Mon père et moi.
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Nous sommes assises prés de la radio, mes sœurs, ma mère et moi. Je dois avoir environ 5 ans je crois. C’est le 4 mai. En Hollande, c'est le jour de la commémoration des victimes de la seconde guerre mondiale. A huit heure, toute la vie publique s'arrête : deux minutes de silence total en mémoire des morts.
Ma mère nous dit qu’il nous faut penser à notre mamie et à notre papi qui sont décédés dans un camp de concentration.
Mais je ne sais pas comment faire, penser à une mamie et un papi que je n’ai jamais connus. C’est difficile pour moi et mes sœurs de ne pas ricaner pendant ces deux longues minutes. Il ne faut surtout pas regarder mes sœurs...
When we were little my mother made us listen to the commemoration of the dead of World War II on the radio.
My mother says we should think of our grandparents who died in a concentration camp. During the imposed two minutes silence our thoughts must be with them. But I do not know how to think of grandparents that I have never known. It is difficult for us children not to start giggling.
En fait, je n’ai jamais le sentiment que ces contes, ces histoires, n'ont un véritable rapport avec mon histoire personnelle.
C’est en voyant le film "Schindler’s list" de Steven Spielberg que cela change. Dans ce film, un certain Monsieur Stern, un juif, joue un rôle important. C’est la première fois que je sens que les évènements qui ont touché les juifs pendant la seconde guerre mondiale ont à faire à ma famille, à mon père. À moi.
Mon père ne parle pas de la guerre. Nous, les enfants, ne lui demandons rien. Nous n’oserons pas. Le silence est assourdissant.
Finalement, mon père couche sur papier son témoignage.
At school, much attention is paid to World War II and the suffering of the Jews. Of course we visit the Anne Frank House and read her diary and other books about the war. I never felt that these stories had anything to do with my life, my personal history. Then I saw the movie Schindler's List by Steven Spielberg. A Jew called Mr.Stern, my family name, plays an important role in the story. For the first time I feel that what happened to the Jews in World War II has to do with my family, with my father. With me.
Mon père s’est enfui de Berlin pour la Hollande quand il avait environ trente ans, rejoint ensuite par ses parents. Son Néerlandais n’est pas parfait. Il veut me lire son texte pour que je puisse corriger les germanismes.
Un passage raconte comment mon père a fait monter ses parents dans un train.
C'était le train pour le camp de concentration.
On avait fait croire à mon père qu'au camp de Bergen-Belsen, les juifs étaient échangés contre des prisonniers de guerre Allemands. Un échange comme celui-ci eut bien lieu, mais une seule fois. Mes grands-parents n’y étaient pas. Ils décédèrent en 1944, dans le camp.
Quand mon père arrive à ce passage, il ne peut plus parler. Le silence est long...
Finalement, nous ne reparlerons jamais de ce silence jusqu'à la fin de ses jours.
My father fled from Berlin to the Netherlands when he was about thirty years old.
He does not speak about the war. We children do not ask. We dare not. This silence is deafening. Eventually he writes down his story. His Dutch is not perfect. He wants to read the text to me so I can eliminate Germanisms.
There is a passage in my father’s book that tells how he puts his parents on the train. It is the train to the concentration camp Bergen-Belsen. My father was led to believe that it was a camp where Jews were exchanged for German prisoners of war. He thought, this was a way for his parents, who didn't want to go into hiding, to escape. Such an exchange has only taken place once. My grandparents were not part of that exchange. They died in the camp in 1944
When my father reaches this passage, he cannot speak any more. He remains silent for a long time. Also about this silence we do not speak, for the rest of his life.
Ce qui est arrivé aux juifs durant la seconde guerre mondiale, c’est aussi mon histoire à moi. Je le sens nettement le jour où j’ai entre les mains la lettre d’adieu que ma grand-mère avait écrite dans le camp.
Je le sens avec la tête, le cœur, et avec des larmes.
Je vais chez mon père.
« Papa, je lui dis, maintenant je comprends ta peine. »
Mais mon père se détourne de moi :« Personne ne comprend ma peine. »
Et nous continuons de nous taire.
Mon père est décédé en 1994.
4.
Much later when I get to read the farewell letter my grandmother wrote in the camp, I feel really, with head, heart, and with tears that what has happened in World War II with the Jews, is also my history.
I say to my father.
"Now, dad, now I understand your grief."
But my father turns away from me:
"No one understands my sorrow."
And we continue to remain silent.
"Now, dad, now I understand your grief."
But my father turns away from me:
"No one understands my sorrow."
And we continue to remain silent.
My father died in 1994
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"We must not pay attention to the criminal, we must pay attention to the ordinary man. We must keep an eye on the mirror. "
Harry Mulisch.
Harry Mulisch.
« Nous ne devons pas continuer à faire attention au criminel, nous devons continuer à faire attention à l’homme ordinaire. Il nous faut continuer à faire attention au miroir. »
Harry Mulisch, écrivain Néerlandais.
“Wij moeten niet blijven letten op de misdadiger, wij moeten blijven letten op de doodgewone man. Wij moeten op de spiegel blijven letten.”
Harry Mulisch.
Les miroirs cassés dans les valises, représentent les bagages des survivants d’une guerre. Quand ils se regardent dedans, leurs images sont brisées à tout jamais. Ça c’est le bagage des victimes. Et peut-être celui des criminels ? Des héros ? Et des lâches ?
De gebroken spiegels in de koffers representeren de bagage van de overlevenden van een oorlog. Als zij naar zichzelf kijken, zal hun beeld nooit meer ongeschonden zijn. Dat is de bagage van de slachtoffers. En van de daders? En van de helden en de van de lafaards?
ET EN PLUS/EN VERDER
Impression générale de l'exposition/algemene impressie
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